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2021-09-11 14:41:48 +02:00

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Les espaces de noms -- namespaces

Introduction

Les espaces de noms du noyau, les namespaces, permettent de dupliquer certaines structures, habituellement considérées uniques pour le noyau, dans le but de les isoler d'un groupe de processus à un autre.

On en dénombre sept (le dernier ayant été ajouté dans Linux 4.6) : cgroup, IPC, network, mount, PID, user et UTS.

La notion d'espace de noms est relativement nouvelle et a été intégrée progressivement au sein du noyau Linux. Aussi, toutes les structures ne sont pas encore containerisables : le document fondateur parle ainsi d'isoler les périphériques, ou encore l'horloge. Pour ce dernier, un patch a même déjà été proposé.

L'espace de noms mount

Depuis Linux 2.4.19.

Cet espace de noms isole la liste des points de montage.

Chaque processus appartenant à un namespace mount différent peut monter, démonter et réorganiser à sa guise les points de montage, sans que cela n'ait d'impact sur les processus hors de cet espace de noms. Une partition ne sera donc pas nécessairement démontée après un appel à umount(2), elle le sera lorsqu'elle aura effectivement été démontée de chaque namespace mount dans lequel elle était montée.

Attention il convient cependant de prendre garde aux types de liaison existant entre vos points de montage (voir la partie sur les particularités des points de montage), car les montages et démontages pourraient alors être répercutés dans l'espace de noms parent.

Une manière rapide pour s'assurer que nos modifications ne sortiront pas de notre namespace est d'appliquer le type esclave à l'ensemble de nos points de montage, récursivement, dès que l'on est entré dans notre nouvel espace de noms.

```bash mount --make-rslave / ```

L'espace de noms UTS

Depuis Linux 2.6.19.

Cet espace de noms isole le nom de machine et son domaine NIS.

L'espace de noms IPC

Depuis Linux 2.6.19.

Cet espace de noms isole les objets IPC et les files de messages POSIX.

Une fois le namespace attaché à un processus, il ne peut alors plus parler qu'avec les autres processus de son espace de noms (lorsque ceux-ci passent par l'API IPC du noyau).

L'espace de noms PID

Depuis Linux 2.6.24.

Cet espace de noms isole la liste des processus et virtualise leurs numéros.

Une fois dans un espace, le processus ne voit que le sous-arbre de processus également attachés à son espace. Il s'agit d'un sous-ensemble de l'arbre global de PID : les processus de tous les PID namespaces apparaissent donc dans l'arbre initial.

Pour chaque nouvel espace de noms de processus, une nouvelle numérotation est initiée. Ainsi, le premier processus de cet espace porte le numéro 1 et aura les mêmes propriétés que le processus init usuel\ ; entre autre, si un processus est rendu orphelin dans ce namespace, il devient un fils de ce processus, et non un fils de l'init de l'arbre global.

L'espace de nom network

Depuis Linux 2.6.29.

Cet espace de noms fournit une isolation pour toutes les ressources associées aux réseaux : les interfaces, les piles protocolaires IPv4 et IPv6, les tables de routage, règles pare-feu, ports numérotés, etc.

Une interface réseau (eth0, wlan0, ...) ne peut se trouver que dans un seul espace de noms à la fois. Il est par contre possible de les déplacer.

Lorsque le namespace est libéré (généralement lorsque le dernier processus attaché à cet espace de noms se termine), les interfaces qui le composent sont ramenées dans l'espace initial/racine (et non pas dans l'espace parent, en cas d'imbrication).

L'espace de noms user

Depuis Linux 3.8.

Cet espace de noms isole la liste des utilisateurs, des groupes, leurs identifiants, les capabilities, la racine et le trousseau de clefs du noyau.

La principale caractéristique est que les identifiants d'utilisateur et de groupe pour un processus peuvent être différents entre l'intérieur et l'extérieur de l'espace de noms. Il est donc possible, alors que l'on est un simple utilisateur à l'extérieur du namespace, d'avoir l'UID 0 dans le conteneur.

L'espace de noms cgroup

Depuis Linux 4.6.

Cet espace de noms filtre l'arborescence des Control Group en changeant la racine de l'arborescence des cgroups. Au sein d'un namespace, la racine vue correspond en fait à un sous-groupe de l'arborescence globale.

Ainsi, un processus dans un CGroup namespace ne peut pas voir le contenu des sous-groupes parents (pouvant laisser fuiter des informations sur le reste du système). Cela peut également permettre de faciliter la migration de processus (d'un système à un autre) : l'arborescence des cgroups n'a alors plus d'importance car le processus ne voit que son groupe.

S'isoler dans un nouveau namespace

Avec son coquillage

De la même manière que l'on peut utiliser l'appel système chroot(2) depuis un shell via la commande chroot(1), la commande unshare(1) permet de faire le nécessaire pour lancer l'appel système unshare(2), puis, tout comme chroot(1), exécuter le programme passé en paramètre.

En fonction des options qui lui sont passées, unshare(1) va créer le/les nouveaux namespaces et placer le processus dedans.

Par exemple, nous pouvons modifier sans crainte le nom de notre machine, si nous sommes passés dans un autre namespace UTS :

``` 42sh# hostname --fqdn koala.zoo.paris 42sh# sudo unshare -u /bin/bash bash# hostname --fqdn koala.zoo.paris bash# hostname lynx.zoo.paris bash# hostname --fqdn lynx.zoo.paris bash# exit 42sh# hostname --fqdn koala.zoo.paris ```

Nous avons pu ici modifier le nom de la machine, sans que cela n'affecte notre machine hôte.

Les appels systèmes

L'appel système par excellence pour contrôler l'isolation d'un nouveau processus est clone(2).

L'isolement ou non du processus est faite en fonction des flags qui sont passés à la fonction :

  • CLONE_NEWNS,
  • CLONE_NEWUTS,
  • CLONE_NEWIPC,
  • CLONE_NEWPID,
  • CLONE_NEWNET,
  • CLONE_NEWUSER,
  • CLONE_NEWCGROUP.

On peut bien entendu cumuler un ou plusieurs de ces flags, et les combiner avec d'autres flags attendu par la fonction.

Les mêmes flags sont utilisés lors des appels à unshare(2) ou setns(2).

Pour créer un nouveau processus qui sera à la fois dans un nouvel espace de noms réseau et dans un nouveau namespace cgroup, on écrirait un code similaire à :

```c #include

#define STACKSIZE (1024 * 1024) static char child_stack[STACKSIZE];

int clone_flags = CLONE_CGROUP | CLONE_NEWNET | SIGCHLD;

pid_t pid = clone(do_execvp, // First function executed by child child_stack + STACKSIZE, // Assume stack grows downward clone_flags, // clone specials flags args); // Arguments to pass to do_execvp

</div>

Dans cet exemple, le processus fils créé disposera d'un nouvel espace de noms
pour les *CGroups* et disposera d'une nouvelle pile réseau.

Un exemple complet d'utilisation de `clone(2)` et du *namespace* `UTS` est
donné dans le `man` de l'appel système.


## Rejoindre un *namespace*

Rejoindre un espace de noms se fait en utilisant l'appel système `setns(2)`,
auquel on passe le *file descriptor* d'un des liens du dossier
`/proc/<PID>/ns/` :

<div lang="en-US">
```c
#define _GNU_SOURCE
#include <fcntl.h>
#include <sched.h>
#include <stdlib.h>

// ./a.out /proc/PID/ns/FILE cmd args...

int
main(int argc, char *argv[])
{
    int fd = open(argv[1], O_RDONLY);
    if (fd == -1)
    {
      perror("open");
      return EXIT_FAILURE;
    }

    if (setns(fd, 0) == -1)
    {
      perror("setns");
      return EXIT_FAILURE;
    }

    execvp(argv[2], &argv[2]);

    perror("execve");
    return EXIT_FAILURE;
}

Dans un shell, on utilisera la commande nsenter(1) :

```bash 42sh# nsenter --uts=/proc/42/ns/uts /bin/bash ```

Durée de vie d'un namespace

Le noyau tient à jour un compteur de références pour chaque namespace. Dès qu'une référence tombe à 0, l'espace de noms est automatiquement libéré, les points de montage sont démontés, les interfaces réseaux sont réattribués à l'espace de noms initial, ...

Ce compteur évolue selon plusieurs critères, et principalement selon le nombre de processus qui l'utilise. C'est-à-dire que, la plupart du temps, le namespace est libéré lorsque le dernier processus s'exécutant dedans se termine.

Lorsque l'on a besoin de référencer un namespace (par exemple pour le faire persister après le dernier processus), on peut utiliser un mount bind :

```bash 42sh# touch /tmp/ns/myrefns 42sh# mount --bind /proc//ns/mount /tmp/ns/myrefns ```

De cette manière, même si le lien initial n'existe plus (si le <PID> s'est terminé), /tmp/ns/myrefns pointera toujours au bon endroit.

On peut très bien utiliser directement ce fichier pour obtenir un descripteur de fichier valide vers le namespace (pour passer à setns(2)).

Faire persister un namespace

Il n'est pas possible de faire persister un espace de noms d'un reboot à l'autre.

Même en étant attaché à un fichier du disque, il s'agit d'un pointeur vers une structure du noyau, qui ne persistera pas au redémarrage.

Aller plus loin {-}

Je vous recommande la lecture des man suivants :

  • namespaces(7) : introduisant et énumérant les namespaces ;

Pour tout connaître en détails, la série d'articles de Michael Kerrisk sur les namespaces est excellente ! Auquel il faut ajouter le petit dernier sur le cgroup namespace.

Cet article de Michael Crosby montrant l'utilisation de clone(2) est également des plus intéressants, pour ce qui concerne la programmation plus bas-niveau.