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Les capabilities

Présentation

Historiquement, dans la tradition UNIX, on distingue deux catégories de processus :

  • les processus privilégiés : dont l'identifiant de son utilisateur est 0 ;
  • les processus non-privilégiés : dont l'identifiant de son utilisateur n'est pas 0.

Lors des différents tests de permission fait par le noyau, les processus privilégiés outrepassaient ces tests, tandis que les autres devaient passer les tests de l'effective UID, effective GID, et autres groupes supplémentaires...

Depuis Linux 2.2 (en 1998), les processus privilégiés peuvent activer ou désactiver des capabilities, chacune donnant accès à un groupe d'actions privilégiées au sein du noyau.

On trouve par exemple :

  • CAP_CHOWN : permet de modifier le propriétaire d'un fichier de manière arbitraire ;
  • CAP_KILL : permet de tuer n'importe quel processus ;
  • CAP_SYS_BOOT : permet d'arrêter ou de redémarrer la machine ;
  • CAP_SYS_MODULE : permet de charger et décharger des modules ;
  • et beaucoup d'autres, il y en a environ 39 en tout (ça dépend de la version du noyau) !

ping

Pour émettre un ping, il est nécessaire d'envoyer des paquets ICMP. À la différence des datagrammes UDP ou des segments TCP, il n'existe pas d'interface exposée par le noyau aux utilisateurs pour envoyer des paquets ICMP. Pour le faire, il est nécessaire de pouvoir écrire directement sur l'interface ; ça, seul le super-utilisateur peut le faire.

Pour permettre à tous les utilisateurs de pouvoir envoyer des ping, le programme est donc généralement Setuid root. Cela permet à n'importe quel utilisateur de prendre les droits du super-utilisateur, le temps de l'exécution du programme.

Les problèmes surviennent lorsque l'on découvre des vulnérabilités dans les programmes Setuid root. En effet, s'il devient possible pour un utilisateur d'exécuter du code arbitraire, ce code sera exécuté avec les privilèges de l'utilisateur root ! Dans le cas de ping, on se retrouverait alors à pouvoir lire l'intégralité de la mémoire, alors que l'on avait juste besoin d'écrire sur une interface réseau.

C'est donc à ce moment que les capabilities entrent en jeu : un processus (ou même un thread) privilégié peut décider, généralement à son lancement, de réduire ses capabilities, pour ne garder que celles dont il a réellement besoin. Ainsi, ping pourrait se contenter de CAP_NET_RAW.

Les attributs de fichier étendus

Une grosse majorité des systèmes de fichiers (ext[234], XFS, btrfs, ...) permettent d'enregistrer, pour chaque fichier, des attributs (dits attributs étendus, par opposition aux attributs réguliers qui sont réservés à l'usage du système de fichiers).

Sous Linux, les attributs sont regroupés dans des espaces de noms :

  • security : espace utilisé par les modules de sécurité du noyau, tel que SELinux, ... ;
  • system : espace utilisé par le noyau pour stocker des objets système, tels que les ACL POSIX ;
  • trusted: espace dont la lecture et l'écriture est limité au super-utilisateur ;
  • user : modifiable sans restriction, à partir du moment où l'on est le propriétaire du fichier.

Par exemple, on peut définir un attribut sur un fichier comme cela :

42sh$ echo 'Hello World!' > toto
42sh$ setfattr -n user.foo -v bar toto
42sh$ getfattr -d toto
# file: toto
user.foo="bar"

Encore plus fort, vous pouvez utiliser les ACL POSIX :

42sh$ sudo chown root:root toto && sudo chmod o-r toto
42sh$ cat toto
cat: toto: Permission denied
42sh$ sudo setfattr -m u:$USER:r toto
42sh$ cat toto
Hello World!

Bien que les droits UNIX traditionnels ne vous donnent pas accès au fichier, les ACL POSIX vous autorisent à le lire.

Vous pouvez voir ces attributs avec la commande :

42sh$ getfattr -d -m "^system" toto
# file: toto
system.posix_acl_access=0sgAAEAD/////AgAEOgDAEAA/////xAABAD////8=

ping

De la même manière que l'on peut définir de manière plus fine les droits d'accès par utilisateur, un attribut de l'espace de nom security peut être définit pour accroître les capabilities d'un processus lorsqu'il est lancé par un utilisateur non-privilégié. On peut alors voir le Setuid root comme l'utilisation de cet attribut auquel on accroîtrait l'ensemble des capabilities.

Si votre distribution profite de ces attributs étendus, vous devriez obtenir :

42sh$ getfattr -d -m "^security" $(which ping)
# file: bin/ping
security.capability=0sAQAAAgAgAAAAAAAAAAAAAAAAAAA=

Ou, dans sa version plus lisible :

42sh$ getcap $(which ping)
/bin/ping = cap_net_raw+ep

Exercice : visualisateur de capabilities d'un processus

Écrivons maintenant un programme permettant de voir les capabilities d'un processus :

42sh$ ./view_caps 1
cap_user_header_t
-----------------
Version: 20080522
PID: 1

cap_user_data_t
---------------
effective: 0xffffffff
	CAP_AUDIT_CONTROL
	CAP_AUDIT_READ
	CAP_AUDIT_WRITE
	CAP_BLOCK_SUSPEND
	CAP_CHOWN
	CAP_DAC_OVERRIDE
	CAP_DAC_READ_SEARCH
permitted: 0xffffffff
	CAP_AUDIT_CONTROL
	CAP_AUDIT_READ
	CAP_AUDIT_WRITE
	CAP_BLOCK_SUSPEND
	CAP_CHOWN
	CAP_DAC_OVERRIDE
	CAP_DAC_READ_SEARCH
inheritable: 0x0

Astuces : capget(2), X-macros, ...

Pour aller plus loin

Je vous recommande la lecture des man suivants :

  • capabilities(7) : énumérant tous les capabilities, leur utilisation, etc. ;
  • xattrs(7) : à propos des attributs étendus.

Et de ces quelques articles :

Pour revenir à Docker, par défaut, un certain nombre de capabilities sont désactivées par défaut ; vous pouvez en ajouter et en retirer via les arguments --cap-add et --cap-drop du docker run.