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Des particularités de mount
Petite parenthèse avant de parler des namespaces, car nous avons encore besoin d'appréhender un certain nombre de concepts relatifs aux montages de systèmes de fichiers.
Les points de montage
Au premier abord, les points de montage dans l'arborescence d'un système de fichiers n'ont pas l'air d'être remplis de notions complexes : un répertoire peut être le point d'entrée d'un montage vers la partition d'un disque physique... ou d'une partition virtuelle, comme nous l'avons vu précédemment.
Mais avez-vous déjà essayé de monter la même partition d'un disque physique à deux endroits différents de votre arborescence ?
Si pour plein de raisons on pouvait se dire que cela ne devrait pas être
autorisé, ce problème s'avère être à la base de beaucoup de fonctionnalités
intéressantes. Le noyau va finalement décorréler les notions de montage,
d'accès et d'accroche dans l'arborescence : et par exemple, une partition ne
sera plus forcément démontée après un appel à umount(2)
, mais le sera
seulement lorsque cette partition n'aura plus d'accroches dans aucune
arborescence.
La commande findmnt(1)
, des
util-linux
nous permet
d'avoir une vision arborescente des points de montage en cours d'utilisation.
bind
-- montage miroir
Lorsque l'on souhaite monter à un deuxième endroit (ou plus) une partition, on utilise le bind mount :
Lorsque l'on souhaite chroot
dans un système complet (par exemple lorsqu'on
l'installe ou qu'on le répare via un live CD), il est nécessaire de dupliquer
certains points de montage, tels que /dev
, /proc
et /sys
.
Sans monter ces partitions, vous ne serez pas en mesure d'utiliser le système
dans son intégralité : vous ne pourrez pas monter les partitions indiquées par
le /etc/fstab
, vous ne pourrez pas utiliser top
ou ps
, sysctl
ne pourra
pas accorder les paramètres du noyau, ...
Pour que tout cela fonctionne, nous aurons besoin, au préalable, d'exécuter les commandes suivantes :
En se chroot
ant à nouveau dans cette nouvelle racine, tous nos outils
fonctionneront comme prévu.
Tous ? ... en fait non. Si l'on jette un œil à findmnt(1)
, nous constatons
par exemple que /sys/fs/cgroup
dans notre nouvelle racine est vide, alors que
celui de notre machine hôte contient bien les répertoires de nos cgroups.
--bind
va se contenter d'attacher le système de fichiers (ou au moins une
partie de celui-ci) à un autre endroit, sans se préoccuper des points de
montages sous-jacents. Pour effectuer cette action récursivement, et donc
monter au nouvel emplacement le système de fichier ainsi que tous les points
d'accroche qu'il contient, il faut utiliser --rbind
. Il serait donc plus
correct de lancer :
Les types de propagation des points de montage
On distingue quatre variétés de propagation des montages pour un sous-arbre : partagé, esclave, privé et non-attachable.
Chacun va agir sur la manière dont seront propagées les nouvelles accroches au sein d'un système de fichiers attaché à plusieurs endroits.
partagé -- shared mount
Dans un montage partagé, une nouvelle accroche sera propagée parmi tous les systèmes de fichiers de ce partage (on parle de peer group). Voyons avec un exemple :
On s'assure que le dossier que l'on va utiliser pour nos tests utilise bien la politique shared
mount --make-shared /tmp
Duplication de l'accroche, sans s'occuper des éventuels sous-accroches
mount --bind /tmp /mnt/test-shared
</div>
Si l'on attache un nouveau point de montage dans `/tmp` ou dans
`/mnt/test-shared`, avec la politique `shared`, l'accroche sera propagée :
<div lang="en-US">
```bash
mkdir /mnt/test-shared/toto
mount -t tmpfs none /mnt/test-shared/toto
Un coup de findmnt
nous montre l'existence de deux nouveaux points de
montage. À /mnt/test-shared/toto
, mais également à /tmp/toto
.
esclave -- slave mount
De la même manière que lorsque la propagation est partagée, cette politique propagera, mais seulement dans un sens. Le point de montage déclaré comme esclave ne propagera pas ses nouveaux points de montage à son maître.
Duplication de l'accroche, sans s'occuper des éventuels sous-accroches
mount --bind /mnt/test-shared /mnt/test-slave
On rend notre dossier esclave
mount --make-slave /mnt/test-slave
</div>
Si l'on effectue un montage dans `/mnt/test-shared` :
<div lang="en-US">
```bash
mkdir /mnt/test-shared/foo
mount -t tmpfs none /mnt/test-shared/foo
Le point de montage apparaît bien sous /mnt/test-slave/foo
.
Par contre :
Le nouveau point de montage n'est pas propagé dans /mnt/test-shared/bar
.
privé -- private mount
C'est le mode le plus simple : ici les points de montage ne sont tout simplement pas propagés.
Pour forcer un point d'accroche à ne pas propager et à ne pas recevoir de propagation, on utilise l'option suivante :
non-attachable -- unbindable mount
Ce mode interdira toute tentative d'attache à un autre endroit.
Il ne sera pas possible de faire :
Propagation récursive
Les options que nous venons de voir s'appliquent sur un point de montage. Il existe les mêmes options pour les appliquer en cascade sur les points d'attache contenus dans leur sous-arbre :
Montage miroir de dossiers et de fichiers
Il n'est pas nécessaire que le point d'accroche que l'on cherche à dupliquer pointe sur un point de montage (c'est-à-dire, dans la plupart des cas : une partition ou un système de fichiers virtuel). Il peut parfaitement pointer sur un dossier, et même sur un simple fichier, à la manière d'un hardlink, mais que l'on pourrait faire entre plusieurs partitions et qui ne persisterait pas au redémarrage (le hardlink persiste au redémarrage, mais doit se faire au sein d'une même partition).
Nous verrons dans la partie namespace réseau une utilisation d'attache sur un fichier.
Déplacer un point de montage
À tout moment, il est possible de réorganiser les points de montage, en les déplaçant. Comme cela se fait sans démonter de partition, il est possible de le faire même si un fichier est en cours d'utilisation. Il faut cependant veiller à ce que les programmes susceptibles d'aller chercher un fichier à l'ancien emplacement soient prévenus du changement.
Pour déplacer un point de montage, on utilise l'option --move
de mount(8)
:
Par exemple :
::::: {.question}
Quand a-t-on besoin de déplacer un point de montage ? {-}
Cette possibilité s'emploie notamment lorsque l'on souhaite changer la racine
de notre système de fichiers : par exemple pour passer de l'initramfs au
système démarré, ou encore de notre système hôte au système d'un conteneur, ...
:::::
Aller plus loin {-}
Voici quelques articles qui valent le détour, en lien avec les points de montage :
- Shared subtree (https://lwn.net/Articles/159077) et la documentation du noyau associée (https://kernel.org/doc/Documentation/filesystems/sharedsubtree.txt) ;
- Mount namespaces and shared subtrees : https://lwn.net/Articles/689856 ;
- Mount namespaces, mount propagation, and unbindable mounts : https://lwn.net/Articles/690679.